Lors de mon séjour à Cotonou, j’ai eu le plaisir de visiter la Fondation Zinsou qui présente différentes artistes béninois et internationaux ayant comme point commun le fait d’avoir un message à passer à l’Afrique. Découvrons ensemble l’exposition African Art Tour actuellement présentée par la Fondation.
Exposition African Art Tour
L’exposition African Art Tour présente les œuvres de onze (11) artistes africains qui exploitent des médiums différents, tels que la peinture, la photographie, la sculpture et le dessin, pour aborder trois (3) problématiques que je résumerais comme suit :
- La question du portrait et de l’autoportrait
- La problématique de l’homme hybride et de son développement au sein de la société, de l’environnement
- Le lien de l’homme avec la spiritualité
La question du portrait et de l’autoportrait
Cette notion a été abordé à travers la photographie de studio. En effet, ce sont des artistes africains de renoms qui ont été exposés pour nous projeter dans cette problématique du portrait et de l’autoportrait comme témoignage de notre histoire individuelle et commune.
Nous pouvons ainsi apprécier des œuvres de Malick Sidibé (Mali) exploitant la photographie noire et blanc pour réaliser des portraits de studio. Il en est de même pour Seydou Keita (Mali) qui met en scène ses contemporains avec des objets tels que le poste radio qui est ainsi devenu un signe de reconnaissance de son travail.
Nous pouvons également apprécier des œuvres issues de la “Série Tati” de Samuel Fosso (Cameroun) qui met en exergue des moments de notre histoire commune notamment la colonisation à travers des mises en scène interpellante. Enfin, des portraits de Omar Victor Diop (Sénégal) sont présenté dont certaines photos issues de Le Studio des Vanités : une série de photos mettant en valeur des acteurs sénégalais de la scène artistique et culturelle sénégalaise.
La problématique de l’homme hybride et de son développement au sein de la société, de l’environnement
Cette problématique a été abordée à travers le médium de la peinture, du collage et du dessin. En effet, la première œuvre est celle de Pierre Bodo (Congo) qui est une interrogation sur la SAPE, c’est-à-dire la Société des Ambiances et Personnes Élégantes. Cette société est à l’origine d’un mouvement appelé la “Sapologie” qui se caractérise par la mise en exergue de tenues extravagantes, élégantes et extrêmement onéreuses dont sont vêtus les adeptes qui sont prêts à dépenser des fortunes pour leur habillement bien qu’ils vivent dans des conditions très difficiles. Les deux personnages ont une partie humaine et une partie animale et ces derniers sont pointés du doigt pour leur extravagance.
Les secondes œuvres sont celles de Soly Cissé (Sénégal) qui se caractérisent par des personnages hybrides ayant des parties humaines, animales et végétales. C’est donc un regard sur les mutations de la société pour questionner la condition humaine. On nous invite donc à mettre en corrélation l’homme avec ses travers.
Dominique Zinkpe (Bénin) a quant à lui représenter ce caractère hybride à travers une œuvre présentant un être humain malade et face à un guide spirituel qui pourrait le sauver en faisant un sacrifice pour sa santé. On se retrouve face à un questionnement sur la nécessité de recourir à un animal pour pouvoir s’élever et s’émanciper d’une maladie. Le lien entre l’homme et l’animal, le caractère hybride atteint ici le volet spirituel.
Gérard Quenum (Bénin) nous présente une toile intitulée Les Actifs. On y voit la représentations des personnes actives dans la société. Les hommes et les femmes qui s’occupent de leurs problèmes et agissent sans que l’autre ne sache pourquoi ils agissent. C’est une façon de nous interpeller sur l’individualisme des individus au sein de la société.
Enfin, Bruce Clark (Anglais d’origine sud africaine) attire notre attention sur la notion de menace. En effet, avec cette œuvre intitulée ‘Humanité’, puisque réalisée pour la célébration des 100 ans de Journal Humanité, et issue de la série Homme-Masse, il illustre la menace de la société sous deux aspects. Nous partons du constat que la société se plie sur elle même. Ainsi nous nous demandons si c’est l’homme qui est une menace pour la société ou si c’est la société qui est une menace pour l’homme.
Le lien de l’homme avec la spiritualité
Ce lien entre l’homme et la spiritualité qui est plus ou moins introduit à travers l’œuvre de Dominique Zinkpe. En effet, la relation entre l’homme et l’animal et la spiritualité va nous orienter vers les religions animistes africaines issues de la Tanzanie et du Bénin.
En effet, trois (3) espaces sont dédiés à l’œuvre de Georges Linlanga (Tanzanie) qui est très ancré dans sa tradition : La tradition Makondé qui positionne l’homme au centre de la société. Il nous invite à découvrir le monde des génies qui peuvent être bienveillants et malveillants à travers des sculptures et des peintures.
Le Shetani lorsqu’il est seul et les Mashetanis lorsqu’ils sont plusieurs sont les noms attribués à ces génies. Nous nous interrogeons donc sur l’impact de ces génies sur la vie de l’homme.
Cyprien Toukoudagba (Bénin) nous donne une présentation de la culture du Dahomey à travers la représentation d’une divinité, “Aziza”, l’esprit qui inspire les artistes et les chasseurs. L’artiste indique avoir rencontré cet esprit dans la forêt, cette rencontre étant à l’origine de sa célébrité et de son bonheur. La seconde oeuvre présentée est l’illustration d’un proverbe “Hominsin Dan Bo Logosso Non Go” qui signifie que le serpent (Dan donc l’ennemi) s’est fâché (Hominsin) et la Tortue (Logosso qui représente le Roi Béhanzin) s’en moque car le serpent ne peut pas avaler la carapace.
Enfin la dernière oeuvre intitulée “Gueli Honon” qui se décompose comme suit : Guehi représente l’éléphant soit l’enfant et Honon la propriété. Ainsi l’éléphant est le propriétaire de la case. On nous fait un rappel à l’emblème du Roi Houegbadja. L’idée de ce proverbe est d’illustrer la première des 41 lois édictées par Houegbadja qui est «Faire un Danxomé toujours plus grand » ce qui signifiait que chaque roi allait devoir agrandir le royaume.
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Enfin, nous terminons l’exposition avec les Masques Guèlèdè de Kifouli Dossou (Bénin) qui sont des masques exportés du Nigéria qui sont utilisés initialement dans des sociétés dites secrètes pour des rites et coutumes. Ici l’artiste exploite le masque Guèlèdè pour sa vocation artistique et symbolique. En effet, il fait un rappel à la culture yorouba (Nigéria) avec les scarifications sur le front et les joues au nombre de trois et la culture fon (Bénin) avec les scarifications sur le front et les joues au nombre de deux qui sont également un rappel aux adorateurs des pythons (cf. Le Temple des Pythons).
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Le couvre chef des masques sont originellement exploités pour rappeler les divinités adorées. Ici, l’artiste nous interpelle sur le rapport du villageois à la technologie, sur la capacité des populations rurales à s’adapter, s’imprégner voire se laisser envahir par les nouvelles technologies si l’on veut prendre l’aspect négatif.
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Cette exposition est donc une façon de nous interroger sur le positionnement de l’homme, particulièrement africain, dans son environnement et son rapport à ses origines, ses rites et pratiques. En effet, les religions animistes qui sont une partie prenante de l’histoire des sociétés africaines ont conditionnées et conditionnent encore nos sociétés. Les symboles, signes, représentations non verbales à caractère cartésiens et spirituels sont autant d’éléments à analyser pour mieux comprendre l’homme africain moderne car pour savoir où l’on va nous devons d’abord savoir d’où l’on vient.
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