J’ai pu rencontrer l’artiste peintre ivoirien Waddall ce dimanche 21 février 2016. Cette rencontre n’aurait jamais pu se tenir sans le support de la Galerie LouiSimone Guirandou qui accueille du 11 février au 30 mars 2016 l’exposition «Un si long voyage» de Waddall.
Waddall
La « rue Paris- village » comme initiation première à l’art
Waddall, de son vrai nom Alain Ouadé, est une artiste-peintre ivoirien qui a manifesté très tôt son intérêt pour l’art, à une époque où les métiers artistiques n’étaient pas toujours bien perçus. Se retrouvant confronté à l’incompréhension de son père face à son goût pour l’art, il décida de quitter le domicile familial en 1992, alors âgé de 15 ans, pour rejoindre la rue. Dans la rue, il fit de nombreuses rencontres qui ont renforcés son goût et sa détermination pour les arts. C’est ainsi qu’il rencontra en 1996 l’artiste peintre, sculpteur et dramaturge sénégalais, Joe Ouakam, de 30 ans son aîné. Cet homme le marqua et lui a permis de réaliser sa première toile collective dans le hall du Palais des Congrès de l’Hôtel Ivoire. Il désigne cette expérience comme étant sa « première initiation picturale ».
Le Sénégal comme terre de formation

En 1997, il rencontra Bouna Medoume Seye, photographe sénégalais, durant le MASA organisé à Abidjan. Waddall va donc le suivre dans ses reportages photographiques et shooting et ainsi quitter la Côte d’Ivoire pour le milieu des artistes du Sénégal. C’est ainsi qu’en 1998, il intègre les ateliers de l’île de N’Gor sous la direction de Gaston Madeira. Il va côtoyer et collaborer avec de nombreux artistes dont Kre M’Baya, Charlie Lee, Moussa Baedy N’Diaye, Djogo M’Baye, Moussa M’Baye, Seny M’Baye et Zuluz M’Baye et recevra les conseils d’artistes tels que le maître Elhadj Sy, le photographe Touré Behan et Joe Ouakam. Le Sénégal est donc sa terre formation.
C’est d’ailleurs, au Sénégal, qu’il endossera son nom d’artiste. En effet, c’est après les événements Sopi (« changement » en wolof), qui ont porté le candidat Wade Abdoulaye à la Présidence de la République du Sénégal, qu’il endossa le nom d’artiste à savoir WADDALL.
Un parcours international
Il a ensuite participé à plusieurs expositions collectives avec des peintres locaux et internationaux notamment en France, à la Galerie Herouet à Paris en compagnie de Oumar Lionel Sow, Pape Coulibaly, Pape Tiegne Diouf et Laure Malecot où encore au Art for Africa de New York, à la Galerie Martin Summers de Londres ou à la Galerie Ndaje de Genève.
L’exposition « Un si long voyage »
« C’est l’art qui m’a sauvé. J’aime l’humain, le contact et la matière ».
« Un si long voyage » est une exposition empreinte d’émotion et de sens. En effet, elle nous permet de comprendre que l’art est la raison de vivre de Waddall. Toutes les toiles présentées sont en rapport avec son histoire, son expérience passée dans la rue. Une période qui a été difficile et qu’il a pu surmonter grâce à l’art. L’art lui a permis de faire preuve de beaucoup de résilience et c’est un des traits de sa personnalité qui m’a le plus marqué dans notre échange. Cette résilience qui lui donna la force d’avancer et de croire en son rêve, de lui donner vie et surtout de s’exprimer, de se libérer et de communiquer avec le monde extérieur. C’est ainsi qu’il résume son oeuvre : “C’est l’art qui m’a sauvé. J’aime l’humain, le contact et la matière”.
Entre symboles et messages…
Les toiles de Waddall transmettent toutes un message fort à la société. Celui d’une société qui est en perte de repères et où les relations humaines perdent de leurs poids, où la morale n’a plus un sens commun mais plus individuel. Il y a beaucoup de symboles. Celui d’hommes de fortunes et de bonté tels que Felix Houphouet Boigny ou l’Abbé Pierre se trouvant en fond de scène avec pour personnage principal, un homme qui vit dans la rue. Ces symboles comme pour nous rappeler que le message politique est là mais la société n’agit pas dans les faits.
On retrouve aussi beaucoup de symboles africains, par exemple, on voit beaucoup la poupée Ashanti symbole de la femme dans de nombreuses toiles où l’acteur principal est un homme. La sexualité est exprimée à travers l’illustration des publicités de femmes dénudées affichées ça et là dans le décor de la scène mise en valeur, comme pour indiquer une sexualité brimée où la femme est vue comme un objet. On a aussi des rappels à l’éducation et l’école. Probablement, pour faire un parallélisme avec l’école de la rue. Celle que Waddal a fréquenté, l’école à la dure.
Une autre chose a beaucoup attiré mon attention. Les couleurs. Waddall a tantôt des toiles très colorées et tantôt des toiles plus ternes avec des points de couleurs comme pour attirer notre attention sur un trait loufoque ou comique de la scène. Je trouve cette technique très intéressante car elle choque notre vue et attire notre attention sur des détails précis de la toile.
Il utilise aussi de nombreuses techniques à savoir, le dessin, le collage et la peinture avec notamment des pigments naturels. Oui ! oui ! Vous avez bien lu! Il utilise des pigments naturels principalement la marre de café. Il a fait ce choix car comme il l’indique « je suis éco-responsable. Le café est mon identité. Utiliser la marre de café c’est comme montrer ma double culture : la culture de l’esprit et de l’agriculture. Le café est un produit naturel de chez nous, et à travers son utilisation, je montre mon “africanité” ». J’ai été très touchée par cette envie de montrer son métissage et sa richesse culturelle à travers l’exploitation de ce produit du terroir.
C’est donc une personne pleine de richesses et de ressources que j’ai pu rencontrer. Il a d’ailleurs une soif de partage qu’il projette de concrétiser par la mise en place de formation et d’initiation à l’art auprès des plus jeunes.
En attendant d’en savoir plus sur ce projet, je vous invite à vous rendre si ce n’est pas encore fait à la Galerie LouiSimone Guirandou pour apprécier l’exposition «Un si long chemin» qui n’est autre qu’une sorte d’hommage à toutes ces personnalités qui ont vécues l’étape de la rue et qui ont pu vivre l’expérience du rejet de la société et de la création de leurs identités nouvelles dans ce combat perpétuel pour ne pas oublier leurs identités premières.