Lors de ma rencontre avec Elie Kuame cette semaine, j’ai eu le plaisir de découvrir les différentes pièces de sa collection dans ses ateliers et de pouvoir toucher les matières. J’ai ainsi apprécié le Faso Dan Fani ou étoffe du Burkina Faso. Une étoffe que le styliste a exploité pour pimenter cette belle collection Printemps / Eté 2016. Mais qu’est ce que le Faso Dan Fani?
Faso Dan Fani
Un pagne traditionnel tissé emprunt d’histoire
Le Faso Dan Fani est un pagne traditionnel tissé à base de coton local. Il signifie littéralement “pagne tissé de la patrie” en langue dioula. Par conséquent, il est un des emblèmes nationaux du Burkina Faso, Pays des hommes intègrent situé en Afrique de l’Ouest.
Le Burkina Faso est l’un des quatre grands producteurs de coton d’Afrique. Il se classe régulièrement à la tête des “Cotton Fours” avec le Mali, le Tchad et le Bénin.
Pour comprendre la tradition du tissage du coton dans ce pays, il faut remonter le temps. En effet, cette tradition ancienne se superpose avec la progression de l’islam en Afrique de l’Ouest. A l’époque, la nudité devait être cachée et le tissage était le moyen de fabriquer des vêtements larges. Le filage était très souvent dévolu aux femmes tandis que le tissage était à l’origine une activité masculine.
Les métiers à tisser traditionnels produisant une bande de tissu d’une largeur de 12-15 cm étaient installés à l’extérieur. Marginalement, dans certaines ethnies, les femmes pouvaient tisser avec des métiers à tisser différents. En effet, ils étaient verticaux et installés dans les cases et permettaient de produire des bandes de tissu plus larges d’environ 50 cm.
Dans la seconde moitié du 20eme siècle, la conception de “métiers à tisser améliorés” pour les femmes par les missionnaires ont vu le jour. Ils rendaient ainsi la tâche plus facile.
Une étoffe patriotique
Mais c’est dans les années 80, que le tissage féminin a connu un essor grâce à la volonté de Thomas Sankara. Il promouvait, en effet, l’émancipation des femmes parallèlement au développement des productions nationales, en particulier celle de tissus nationaux. C’est ainsi que le Faso Dan Fani est né. Il signifie littéralement le “pagne tissé de la patrie” en dioula. Pour fani: le pagne, dan: tisser et faso: la patrie, le territoire. On retrouve ces mots dans Burkina Faso, “le pays des hommes intègres”, nom que Thomas Sankara avait choisi pour rebaptiser la Haute-Volta, ex-colonie française.
Thomas Sankara pris des mesures fortes. Il imposa, en effet, par décret à ses fonctionnaires le port du Faso Dan Fani et de tenues réalisées en étoffes traditionnelles.
Il encouragea également le regroupement des femmes tisserandes en coopératives. Ainsi, la création d’ateliers de production ont permis d’atteindre les objectifs de :
- produire et consommer burkinabè,
- émanciper les femmes,
- et créer des emplois.
De la promotion sur le marché local au défilé de Haute Couture
La machine étant enclenchée, la sensibilisation des burkinabés et étrangers au Faso Dan Fani s’est ensuite faite par le biais de vitrines internationales. On cite parmi elles le SIAO (Salon International de l’Artisanat de Ouagadougou), des concours nationaux ou d’autres opérations promotionnelles.
Ces dernières années, ce sont les créateurs de Haute Couture qui se sont laissés piquer par le mouvement. Ils ont ainsi porté le Faso Dan Fani vers le marché de la mode, en collaboration avec les coopératives-ateliers des femmes tisserandes.
Valorisation du travail des femmes tisserandes
Le Faso Dan Fani s’érige comme un symbole d’émancipation et d’autonomisation des femmes burkinabés dans un premier temps mais surtout des femmes en général. En effet, ce morceau de pagne, cette étoffe est chargée d’histoire et de valeurs culturelles et sociétales fortes telles que la précision, l’unité et le partage.
Ce n’est donc pas étonnant qu’ Elie Kuame a exploité le Faso Dan Fani dans sa dernière collection, lui, qui magnifie sans cesse la femme.
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