Bili Bidjocka est un artiste camerounais de renommée internationale principalement connu pour son œuvre L’écriture infinie qui est née de l’exigence de l’artiste d’écrire le plus grand recueil de livres manuscrits au monde, à cause de la progressive extinction de l’écriture manuscrite, mise en place par la technologie. Il sera présent du 24 septembre 2016 au 24 décembre 2016 à la Fondation Donwahi à Abidjan avec une exposition intitulée ‘Where is Bili?’

J’ai découvert Bili Bidjocka cet été lors de mon séjour en France. J’étais à la Gare Saint Lazare et j’ai vu un stand Moleskine. Recherchant un carnet pour faire mon « Bullet Journal », je suis allée regarder de plus prêt les carnet. J’y ai découvert des carnets customisés dont l’un de Bili Bidjocka intitulé « Le Carnet de Voyage de Bili B » (photo ci-dessus). J’ai donc fait une petite recherche et j’ai découvert ses travaux. J’ai donc décidé de vous partager une présentation et introduction de Simon Njami, le critique d’art et curateur qui a paraphrasé la biographie de l’artiste et l’histoire de son œuvre pendant le Festivaletteratura de Mantoue (Italie) en 2007, en présentant une différente vision du travail de Bili Bidjocka. Ci-dessous le texte repris depuis le site de Francis Moreeuw.

Bili Bidjocka vit à Paris depuis 1974, où après la danse et le théâtre, il s’inscrit à l’école des Beaux-Arts. Il considère, depuis quelques années maintenant, l’art comme une énigme. Les réponses que lui ont apporté ses professeurs aux Beaux-Arts, ces certitudes que l’on grave dans l’esprit des étudiants, se sont depuis longtemps révélées insuffisantes. Sa confrontation aux lois du marché, à l’histoire et à sa propre africanité ont été autant d’éléments qui l’ont contraint à revoir avec un œil neuf les notions de l’art.
Après s’être essayé à la peinture, il s’oriente vers l’installation et les mises en scène. Ses pièces se mettent à fonctionner comme des puzzles, des énigmes au long desquelles il renouvelle l’interrogation essentielle sur le sens et la finalité de la création.
Bili Bidjocka participe à de nombreuses expositions internationales : les Biennales de Johannesbourg (1997), la Havane (1997), Dakar (2000), Taipei (2004) et Venise (2007). Il présente son travail dans plusieurs institutions muséales et galeries d’art : New Museum of contemporary Art de New York ; ARC, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris ; Palais des Beaux-Arts de Bruxelles ; Goodman Gallery, Johannesbourg – Cape Town. Il est le fondateur de la plateforme de création Matrix Art Project (MAP) à Paris, Bruxelles et New York.
La dimension sensible
Bili Bidjocka est un peintre. Son espace d’expression de prédilection est celui de la peinture. Mais la peinture n’est pas une simple technique. Elle ne doit pas renvoyer à une toile accrochée à un mur, à une palette de couleurs, mais bien plus à un vocabulaire, à une écriture dont les règles relèveraient de l’initiation, c’est-à-dire d’une expérience déterminante. L’acquis, cher aux existentialistes, renvoie l’inné à l’aube de l’humanité : on est ce que l’on cherche, et la quête précède l’essence.
Tout au long de sa carrière, Bidjocka s’est lancé dans une exploration de cet espace infini, en utilisant tous les moyens qui étaient mis à sa disposition : vidéo, installation, acrylique, toile, huile, architecture, poésie, jusqu’à ce qu’il se trouve au point où cette quête a enfin trouvé un sens. Une harmonie, une logique. Cette quête n’avait d’autre objet que la quête, c’est-à-dire, la connaissance. Nous ne parlons pas ici d’une connaissance terrestre, livresque, universitaire, mais d’une connaissance alchimique, quelque chose qui procède de la magie.
La transsubstantiation est au cœur de ce processus qui voudrait, à l’instar du Christ qui donna un autre sens à sa chair et à son sang, transformer le métal en or (mais n’est-ce pas là le Graal inavoué ou assumé de tout artiste ?), percer le secret des choses. Dans ce jeu de miroirs, de faux-semblants et de chausses trappes, dans ce labyrinthe infini que représentent l’art et la vie, Bidjocka tente de découvrir la formule secrète qui permettrait d’abandonner la dimension concrète et matérielle pour accéder à la dimension du sensible pur. Pour cela, il a décidé d’appliquer l’un des préceptes de Boris Vian : «cette histoire est vraie puisque je l’ai inventée d’un bout à l’autre», auquel il ajoute une pincée de l’écriture borgésienne.
Le résultat ? Ce sont ces fictions dans lesquelles il a décidé de nous embarquer, du Cap de Bonne-Espérance à Paris. Ces fictions se présentent sous la forme d’énigmes, d’équations dont le sens est à révéler. Chercher à les résoudre en dehors de la dimension sensible serait vain car, ce que nous révèle l’artiste, c’est cette simple évidence : nous détenons en nous toutes les réponses du monde. À nous de savoir les employer.
Simon Njami