Nous vous présentons Cécile Fakhoury, une passionnée et professionnelle d’art contemporain, fondatrice de la célèbre Galerie Cécile Fakhoury basée à Abidjan (en Côte d’Ivoire). Elle fait figure de seule Galerie d’Art contemporain en Côte d’Ivoire et plus largement en Afrique de l’Ouest francophone.
Cécile Fakhoury en quelques mots
Portrait de Cécile Fakhoury pendant l’exposition “No man’s land » © Jems Robert Koko Bi 2015 – Courtesy Galerie Cécile Fakhoury – Abidjan
1. Cécile Fakhoury, que faites vous dans la vie, quel est votre parcours et d’où vient votre passion pour l’art de façon général et l’art contemporain de façon spécifique ? Et comment cela vous a conduit à mener des actions de promotion de l’art contemporain ?
Ce sont des raisons personnelles qui m’ont amenées en Côte d’Ivoire. Je travaillais à l’époque en Galerie, en Maison de vente à Paris et je suis venue m’installer, ici, à Abidjan. Ne trouvant pas forcément de travail dans ce domaine, celui des arts contemporains, j’ai décidé de monter une structure. Finalement, c’est la structure commerciale telle que je la connaissais en Europe, et n’existant pas ici, qui m’a semblé être celle la plus approprié dans le contexte de la Côte d’Ivoire qui était à l’époque pas celui que l’on connaît. C’était particulier, car c’était la fin des événements. Mais il y avait l’idée d’un pays qui avait connu une certaine scène artistique florissante et que l’on pouvait se baser sur ce socle pour construire quelque chose. J’ai donc ouvert la Galerie Cécile Fakhoury à un moment qui était finalement intéressant puisque beaucoup de choses ont commencé à se mettre en place au niveau international comme des foires d’art contemporain un peu spécialisées et il y avait de plus en plus d’intérêt à l’étranger pour la scène contemporaine africaine. Je dirais donc que j’ai aussi bénéficié d’un bon « timing ».
Après l’ouverture en 2012, j’ai pu dès octobre 2013 participer à la 1 :54 Contemporary African Art Fair à Londres qui m’a permis de me connecter à un marché international avec de nombreuses rencontres avec des fondations, des Musées, des collections qui ont quand même participés à la visibilité du travail de la Galerie.
Je me suis donc lancée en espérant que ça marche et depuis on s’accroche et on évolue bien.
Il faut noter que j’ai toujours regardé la Côte d’Ivoire comme une bonne plateforme car j’avais la vision de ce que l’on m’a raconté de la scène artistique et culturelle ivoirienne puisque je ne connaissais pas très bien la Côte d’Ivoire. Je n’aurais donc pas ouvert une galerie dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest. J’aurais peut être ouvert au Nigéria ou à Dakar. Dans tous les cas, le potentiel d’Abidjan était fort. Je pensais vraiment qu’Abidjan pouvait retrouver sa place économiquement forte. Aujourd’hui nous sommes en développement. C’est vrai que c’est assez compliqué mais Abidjan a un potentiel pour développer une scène et un marché dynamique.
Au niveau de ma passion et de mon intérêt pour l’art, c’est très simple. Mon père a une galerie, donc j’ai baigné dans ce milieu depuis mon enfance. J’ai visité les galeries, les ateliers d’artistes, les musées et j’expliquais à tout le monde depuis mon enfance que je n’aurais pas de galerie et que je ne ferais pas comme mes parents. Si j’étais restée en Europe, je n’aurais pas eu de galerie mais la vie m’a amenée en Côte d’Ivoire et j’ai fait ce que je n’aurais pas fait ailleurs par ce que tout était à développer. Je l’ai fait par ce qu’il s’agissait de créer quelque chose de nouveau en partant de rien, qu’il y avait un challenge très existant et surtout que c’était une chance pour moi de participer à cette scène en développement aujourd’hui. Je suis heureuse de l’avoir fait et je me réjouie de ne pas être la seule à faire ça en Côte d’Ivoire et en Afrique.
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Le marché ivoirien de l’art contemporain semble bouger de plus en plus. Quelles sont vos impressions sur son évolution en termes de personnes qui apprécient les arts ? Que pensez-vous de l’avenir de l’art contemporain en Afrique plus précisément en Côte d’Ivoire?
J’ai une vision qui est plutôt positive. En effet, entre 2012 et aujourd’hui (2016) j’ai réellement vu une évolution s’opérer même s’il est vrai que le marché n’est pas assez développé au niveau local (en Côte d’Ivoire). A notre niveau, les activités se développent bien car nous avons un marché à l’international. Le marché local ne suffirait pas à notre structure bien qu’il y ait une réelle avancée. Cependant, j’ai de plus en plus de clients, de plus en plus de ventes et j’ai l’impression qu’il ya un intérêt qui se développe ainsi qu’une génération qui commence à s’intéresser à la création contemporaine de son pays de façon un peu plus sérieuse et assidue. L’ensemble de ces points ne génère pas spécialement de ventes directes mais ils représentent des signaux qui sont plus que positifs. Tout cela est encourageant et je m’efforce donc de faire des expositions de qualité en Côte d’Ivoire pour participer à la création d’une scène sérieuse, dynamique et forte sur le continent.
En ce sens comme je l’ai indiqué, la part la plus importante de notre travail se déroule à l’étranger. Et à mon niveau, j’ai deux (2) axes stratégiques très complémentaires que je développe. Il s’agit du développement local et du développement à l’international car l’un ne va pas sans l’autre. En effet, pour qu’il y ait une scène internationale forte, avec un marché d’art contemporain qui se développe à l’étranger, il faut qu’il y ait également une scène locale ayant pour rôle de crédibiliser les artistes africains et la scène des arts contemporains africains. Pour aller plus loin, il faudrait que les africains achètent des œuvres des artistes locaux et soutiennent la scène locale. Cela va se développer avec le temps et est plutôt en bonne voie.
En ce qui concerne la scène ivoirienne, je dirais d’abord que la scène en Afrique est très diverse. L’Afrique c’est un continent qui est grand, divers et variés et où l’Afrique du Sud tire son épingle du jeu car elle a un gros réseau de galeries, de bonnes subventions, un gros réseau de collectionneurs et surtout parce qu’il y a des lieux pour présenter, exposer et vendre les œuvres et les artistes. Nous, en Côte d’Ivoire, on dira que l’on manque finalement de lieux. Il y a quelques lieux qui font que la scène se développe car aujourd’hui nous sommes plusieurs acteurs à faire ce travail mais nous n’avons pas de Musées en tant que tel. Par ailleurs, il vaudrait vraiment pour que l’on ait une scène locale forte qu’il y ait un engagement fort dans ce domaine. C’est quelque chose qui viendra avec le temps mais il faut garder à l’esprit que l’on n’aura pas en Afrique un boom sur les arts comme il y en a eu un en Chine. Les Chinois, à la différence des africains, achètent les artistes chinois et encouragent les arts chinois par exemple. On aura donc en Afrique, une progression surement plus lente mais très stable. Je vois donc beaucoup de potentiels mais il manque encore quelques petites choses pour que ce soit solide.
Au niveau, des collectionneurs, ce qu’il faut comprendre c’est que c’est l’action de passer le cap de l’acquisition qui n’est pas évidente pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude de consommer de l’art. C’est qu’il est beaucoup plus facile de mettre neuf (9) millions de FCFA dans une voiture que dans une œuvre d’art. C’est une autre démarche qui est très liée à la culture artistique et sociale. Mais il faut noter qu’à une époque les ivoiriens soutenaient la scène artistique et culturelle et investissait vraiment dans l’art. Aujourd’hui cela s’est perdu pour les raisons que nous connaissons (la crise politique et sociale) mais c’est quelque chose qui est voué à redémarrer. Si le pays continu à se développer la scène artistique et culturelle suivra.
Je reste donc convaincue que le marché évoluera si nous avons plus de lieux d’expression, plus d’expositions, plus de vernissages et plus d’intérêts car il faut apprendre à connaître les artistes, les travaux, les techniques comme apprendre également à comprendre la personnalité et les goûts de l’acheteur. Il y a en effet, de plus en plus de personnes qui sont sensibles, qui s’informent et qui découvrent avec curiosité le milieu des arts contemporains. Je pense donc que dans quelques années, ils auront la capacité de faire leur premier achat d’œuvre d’art et ensuite démarrer une collection. J’ai donc bon espoir qu’une classe de collectionneur se développe car ces visiteurs, curieux, intéressés qui fréquentent la Galerie aujourd’hui deviendront je l’espère, un jour, les acheteurs et acteurs de ce marché.
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