Adéwolé Faladé

Ma rencontre avec Adéwolé Faladé s’est faite par l’intermédiaire de Jessica K.LG, une lectrice de la plateforme. J’ai été vraiment très ravie de cette mise en relation puisque Adéwolé Faladé est l’un des ces acteurs qui bougent pour la préservation de l’héritage culturelle et traditionnel béninois à travers l’Association ‘Mewi-Honto : Au seuil du Peuple Noir’. Découvrons ensemble son action.

Adéwolé Faladé

1. Adéwolé Faladé, que faites-vous dans la vie, quel est votre parcours et quelles sont vos activités actuelles ?

 

Bonjour, mon parcours scolaire se résume ainsi : scolarités primaire et secondaire à l’école française de Cotonou, études LLCE (Lettres, Langues, Civilisations Etrangères) Anglais à la Sorbonne avec obtention en 2008 d’un Master 2, spécialisation traduction. Puis obtention d’un Master en Littérature française à UIC (University of Illinois at Chicago) en 2009.

Je suis traductrice et interprète indépendante en français/anglais et vice versa. J’enseigne également ces deux langues de temps en temps.

Mes débuts dans le domaine culturel ont débuté à Chicago, où, en plus d’enseigner le français j’étais chargée de faire la promotion de la culture francophone à Multilingual Chicago, un centre linguistique et culturel. J’attachais beaucoup d’attention à présenter les différentes facettes de l’Afrique moderne à mes étudiants, un apport qui équilibre ce qu’ils avaient l’habitude de voir et d’entendre dans les médias.

En rentrant à Cotonou fin 2012 après 10 ans à l’étranger, je me suis installée en tant que professionnelle indépendante. Pendant mon temps libre, j’ai commencé petit à petit à m’impliquer dans la vie artistique et culturelle cotonoise et béninoise à travers l’organisation d’événements (festivals de musique, expositions, assistante de metteur en scène/réalisateur…).

En 2015, je suis devenue la Présidente de l’Association MEWI-HONTO : Au Seuil du Peuple Noir, pour laquelle j’étais membre depuis 2008. Grace à ses membres, nous continuons de perpétuer la vision de Max FALADÉ, son fondateur : qui étions-nous réellement avant la pénétration occidentale ? Comment était organisée notre société, quel était notre mode de vie, de penser… C’est une tâche très importante et essentielle si nous voulons véritablement nous débarrasser de notre complexe psychologique hérité de la colonisation, puis de la néo-colonisation afin de nous inscrire efficacement dans l’histoire contemporaine de l’Humain. Nous continuons donc de sillonner les régions du Bénin pour immortaliser ce qu’il reste de nos cérémonies traditionnelles qui définissent notre identité.

Je partage mon temps entre mon engagement dans l’Association MEWI-HONTO (choix des sujets, tournage sur le terrain, rencontres et interviews des experts et détenteurs du savoir endogène…), mon travail de traductrice/interprète et mes activités dans l’événementiel.

2. A l’origine, d’où vient votre passion pour les arts et la culture? Et comment cela vous a conduit à mener des actions de promotion de l’art et de la culture ?

Mes parents ont toujours accordé de l’importance à la culture et aux arts et ont transmis cela à leurs enfants. Nous y avons donc été exposés tout au long de notre enfance et de notre adolescence.

Certains de mes cours (portant sur le néocolonialisme et la mondialisation) à l’Université de Chicago ont fait chanceler des théories apprises dans le système éducatif français. Une de mes professeurs m’a donc encouragé à pousser plus loin ma réflexion et m’a recommandé une certaine littérature (Fanon Les Damnés de la Terre, Amilcar Cabral Amilcar Cabral Recueil de Textes par Carlos Lopes, Aimé Césaire Discours sur le Colonialisme, extraits d’œuvres par Homi Bhabha…) en plus de documentaires et films. Ma compréhension des rapports de force raciaux de notre monde moderne s’est éclaircie et m’a conduite à me pencher un peu plus sur l’anthropologie et la sociologie. Il me fallait poursuivre mes recherches et pousser la réflexion.

Puis un jour de l’été 2011, alors que je passais un weekend avec mes amis étudiants internationaux, l’un d’eux allemand, se tourna vers moi et me demanda souriant : « mais Adé, dis-moi, ça sert à quoi que tu travailles dans ton association ?  Je veux dire, nous on a eu des grands hommes comme Einstein, Gutenberg, Freud, mais vous les Africains vous n’avez rien, alors pourquoi tu fais ça ? », ma réponse : « C’est bien parce qu’il y a encore des gens qui pensent comme toi que je le fais. ». J’étais atterrée de constater une telle ignorance.

3. Parlez-nous de l’Association Mewi-Honto

  • Qu’est ce que c’est ?: Le nom complet de l’association est MEWI-HONTO : Au seuil du Peuple Noir. Il comporte la signification en fon et en français. Le Fon représente le principal groupe ethnolinguistique du Bénin. « mewi » signifie littéralement « personne noire » et « honto » veut dire « portail, porte d’entrée ».
  • Genèse du projet : En décembre 2006 eurent lieu au Bénin et plus précisément à Abomey, l’hommage national rendu au roi Gbèhanzin pour le centenaire de sa mort. Les cérémonies traditionnelles durèrent 2 semaines. Max FALADÉ, architecte à la retraite, y assista et filma tout le processus. A partir de ce moment-là, il décida qu’il fallait mettre en place un système qui permette de recueillir, conserver et promouvoir notre patrimoine culturel matériel et immatériel.
  • Qui rassemble –t-elle? : Les membres sont tous des personnes passionnées par la promotion et la préservation de notre patrimoine identitaire. L’association rassemble entre autres, des historiens, des sociologues, des chercheurs, mais aussi des dignitaires traditionnels, des chefs religieux traditionnels détenteurs du savoir et de la connaissance de nos ancêtres.
  • Quel est sa vocation et son objectif? L’association a pour objectif principal de (re) découvrir notre civilisation originelle pour renouer avec notre véritable identité, mais aussi de constituer des archives socio-anthropologiques qui pourront servir de base de recherches pour professeurs, étudiants et de base d’informations sur la civilisation béninoise pour commencer, puis sur les civilisations africaines à long terme, pour tout un chacun (Africain, diaspora…). Il est essentiel d’établir un dialogue entre les différentes populations noires à travers le monde afin de redécouvrir nos civilisations originelles.
  • Quelles sont ses actions? L’association collabore avec des détenteurs de savoir endogène et des experts pour filmer et analyser des cérémonies traditionnelles. Elle en fait la promotion et la diffusion à travers la réalisation de films documentaires, d’émissions culturelles mensuelles «Mon Patrimoine Ma Richesse» diffusées sur la chaine de télévision nationale l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Bénin (ORTB).

4. Au Bénin, et plus largement en Afrique, l’art et la culture ne sont pas réellement valorisés. Votre avis sur le sujet nous intéresse.

L’art et la culture font partie intégrante de l’identité d’une société. L’art et la culture ne sont ni valorisés ni appréciés à cause de l’ignorance. Il faudrait éduquer le public dès le plus jeune âge, lui donner les outils pour pratiquer, comprendre, critiquer, consommer l’art et la culture. Mais pour le moment ce n’est pas une priorité dans le quotidien de la majorité de la population.

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