J’ai découvert Laurent Baheux en 2011 à Paris lorsque j’ai foulé pour la première fois le sol de la Galerie YellowKorner se situant à côté du Centre Pompidou. J’ai été tout de suite frappée par la force et la beauté de ces clichés sur de la nature sauvage africaine. Cette interview de Laurent Baheux est donc une nouvelle occasion pour moi de vous parler de ma passion pour la photographie noir et blanc.
Laurent Baheux
C’est après un parcours dans la photographie de sport et d’actualité que Laurent Baheux a choisi de consacrer son activité à la photographie de Nature. Le point de départ de sa carrière artistique sur le thème des animaux et de la vie sauvage débuta après l’obtention de son prix au concours international du Wildlife Photographer of the Year en 2007 dans la catégorie «Vision créative de la Nature».

Ainsi, depuis près de 15 ans, le photographe sillonne le monde entier à la recherche d’espaces préservés rassemblant une faune sauvage. Il est l’auteur de dix (10) livres et portfolios à savoir : Photographes de nature, 2008 (Actes Sud), Terre des lions, 2009 (Altus), Portfolio Africa, 2010 (YellowKorner), D’ivoire et d’ébène, 2011 (Altus), Sauvages, précieux, menacés, 2013 (La Martinière), Africa, 2012 et 2014 (YellowKorner), Portfolio America, 2014 (YellowKorner), Album de Famille de l’Afrique Sauvage, édition classique en 2015 et édition Collector en 2016 (teNeues et YellowKorner).
Pour réaliser ses photos, il travaille en reflex avec boitiers et optiques NIKON.
Laurent Baheux milite également activement auprès d’organisations de protection de l’environnement dont le WWF, la fondation GoodPlanet, les associations Cheetah for Ever et Wings4Wildlife. Il est, par ailleurs depuis 2013, Ambassadeur de bonne volonté du Programme des Nations Unies pour l’Environnement sur la campagne internationale de sensibilisation anti-braconnage “Wild & Precious”. Ses photographies sont également exposées dans différentes galeries en France et à l’étranger.
Le noir et blanc comme fil conducteur…
Si vous êtes habitués à lire mes articles, vous n’êtes pas sans savoir que j’apprécie tout particulièrement les photographies en noir et blanc d’où mon intérêt pour les travaux de Laurent Baheux. J’ai même été très heureuse d’apprendre qu’il débuta la photographie au labo avec des pellicules argentiques monochromes. Il explique : « Je passais beaucoup de temps à développer mes films et j’adorais ça ».
Lorsqu’il a débuté son travail personnel sur l’Afrique, il a tout de suite voulu l’exploiter en noir et blanc car « l’Afrique est riche de couleurs mais pour moi c’est avant tout une terre de lumières et de contrastes. Je trouve que le noir et blanc ajoute une dimension esthétique et dramatique. Il y a probablement aussi un côté nostalgique que je ne peux m’empêcher d’avoir quand je vois la réduction progressive et inéluctable des zones réservées à la nature. »

Ce parti-pris est bien sûr le fruit d’une réflexion que Laurent Baheux résume ainsi : «De mon point de vue, le noir et blanc facilite la lecture des images. Il n’y a pas d’effet d’attirance ou de répulsion de certaines couleurs. On concentre son regard sur un élément de la scène, une expression, une posture. J’aime les images au noir dense et contrasté car elles correspondent à la manière dont je vois la nature et la vie sauvage, brute et authentique.»
Le noir et blanc est donc une technique inéluctable pour mettre en avant le sujet avec toute la force qui se dégage de son expression et de la scène. C’est aussi un moyen de porter le regard de l’interlocuteur sur d’autres aspects de l’instant capturer et ainsi lui permettre de ressentir la profondeur de l’émotion, du sentiment qui se dégage de la scène. C’est en cela que j’apprécie la photographie noir/blanc car elle me permet de me transcender dans mes sentiments et même dans certain cas d’analyser la force de la résilience qui puisse exister en moi.
When you photograph people in colour you photograph their clothes. But when you photograph people in B&W, you photograph their souls!
Cette citation de Ted Grant disant «When you photograph people in colour you photograph their clothes. But when you photograph people in B&W, you photograph their souls!» est celle que j’ai trouvé pour résumer le travail de Laurent Baheux.
Traduite, elle dit que «Lorsque tu photographies un homme en couleur, tu photographies ses habits. Mais quand tu le photographies en noir et blanc, tu photographies son esprit.»
En effet, avec ses photos, Laurent Baheux nous traduit l’esprit qui se dégage de cette nature sauvage : elle est riche en émotions et en leçon sur la vie. Je me suis permise de l’interroger sur les émotions qui se dégagent de ses photos car je souhaitais savoir ce qu’il ressentait lorsqu’il se retrouvait face à cette nature fascinante. Il a indiqué la chose suivante : «Tout d’abord, je photographie les animaux de la même manière que je photographie les être humains, en cherchant à capter la personnalité de chacun comme dans un album de famille. Je passe beaucoup de temps sur le terrain, du matin très tôt jusqu’au coucher du soleil car c’est ainsi que j’ai la chance de pouvoir capter ce qui m’intéresse le plus, à savoir des moments simples du quotidien. Je suis heureux et fier quand les gens comprennent, à travers mon travail, que les animaux ont une vie sociale et familiale, qu’ils ressentent des émotions et qu’ils aspirent, comme nous, au bien être et à la survie de leur progéniture. Personnellement, je suis très sensible au monde animal qui se veut simple, avec des règles claires et directes ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas chez l’Homme. Partager des moments en leur compagnie et les voir évoluer dans leur environnement naturel m’apportent beaucoup de bonheur et de sérénité. Je me sens bien parmi les animaux.»
J’ai également voulu savoir le temps que l’on peut passer pour réaliser des photos empreintes d’émotion et de force comme celle de Laurent Baheux car je suis fascinée par sa technicité et par le caractère inédit, personnel et précieux des photos qu’il réussi à capturer. Il rappela qu’ «en photographie, il n’y a pas de règles.» En effet, « Je peux parfois passer beaucoup de temps sans prendre une seule image ou au contraire, photographier beaucoup dans un laps de temps très court. Une chose est sure cependant, il faut être constamment prêt, patient et vigilant car en photographie de nature, une même scène ne se passe jamais deux fois. »
Au niveau de sa technique, lorsque vous regarderez les clichés de Laurent Baheux, je vous invite à porter un regard attentif sur le grain des photos, le mouvement, le sens du détail, le cadrage, l’angle qui sont autant d’éléments déterminant dans son travail.

Clic-Clac
Laurent Baheux a accepté de nous livrer une anecdote sur son travail de capture de cette nature sauvage qui demande patience, calme, précision et même sans froid. Cette anecdote est celle de cette magnifique photo. (ci-dessous). Il faut garder le suspense jusqu’au bout…
« J’ai en effet une histoire pour cette image qui est la plus inattendue qu’il m’a été donné de prendre en Afrique.
En cette fin de matinée, la brume s’est levée, le ciel est clément et la lumière est douce au cœur de la caldeira. L’ancien volcan est un site d’exception. Parce qu’on y trouve presque tous les représentants de la grande faune africaine, le territoire est classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Il ne fait pas encore trop chaud. Nous avançons tranquillement avec Morris, mon expérimenté chauffeur Kenyan, qui nous guide vers une petite troupe de zèbres. Rien à signaler, excepté un jeune zébron gentiment excité qui cabriole autour des adultes.
Je le suis l’œil dans l’objectif lorsqu’il grimpe soudainement sur un talus et se retrouve juste derrière sa mère. À hauteur idéale pour franchir l’obstacle en revenant face à moi. Surpris mais concentré, je déclenche. Morris, qui a observé la scène est encore plus euphorique que moi : “Laurent est-ce que tu l’as ? Est-ce que tu l’as ?”. En une vingtaine d’années à parcourir les pistes au milieu de la vie sauvage, il n’a jamais vu ça. Moi non plus. Un comportement inédit que l’on ne peut expliquer que par le jeu. Et une image originale.
Je n’aurais bien sûr jamais osé imaginer faire cette photo, capturer cet instant si incroyable. La nature, généreuse, m’a offert un moment rare.
Cette expérience n’a fait que renforcer mes convictions, à savoir que je ne prépare pas mes prises de vue.
Je ne suis pas en attente d’une image précise. Je préfère me laisser guider par la chance, me laisser surprendre par le spectacle sans cesse renouvelé du monde sauvage. »

Je ne vous cache pas que tout cela me donne envie de programmer un voyage dans les années à venir en mode Safari et si possible en essayant de passer une journée type avec un photographe comme Laurent Baheux. Affaire à suivre… En attendant, admirer ces beaux clichés disponibles chez YellowKorner.
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