Je suis née et j’ai grandi en Côte d’Ivoire. À la maison, on jouait de la rumba, du jazz, de la musique ivoirienne, du reggae, du disco et du funk.  Après avoir déménagé à Montpellier à l’âge de 15 ans, j’ai intégré la Sagrada Familia (le leader du groupe m’avait entendue chanter Corner Stone de Bob Marley à l’église). Plus tard, Dj Sundae m’a repérée lors d’un concert à Barcelone… Ensemble, nous avons monté TheSunshipp, projet électro qui nous a mené jusqu’au Printemps de Bourges, aux Transmusicales de Rennes, à la Belle de Mai de Marseille…C’est à New York, quelques années plus tard, que je me suis réellement lancée dans l’Afrobeat. Partie aux Etats-Unis avec une démo de l’album enregistré avec Julien Raulet, guitariste de Fanga avec qui j’avais monté Afrorockerz, je me suis rapidement produite tous les week-ends sur la scène du célèbre St Nicks Jazz Pub (Harlem), ainsi qu’au Shrine (Harlem) et au Zebulon (Brooklyn). Des bonnes fées, comme Tony Allen qui a joué sur la plupart des morceaux, se sont alors penchées sur ce premier projet afrobeat au nom évocateur : Holy Warriors.Retour ensuite en Europe, à Bruxelles, où j’ai fondé un nouveau groupe afin, dans un premier temps, d’y jouer Holy Warriors. Quelques années et de nombreuses scènes plus tard, la riche collaboration avec mon guitariste Giotis Damianidis a donné naissance à huit nouveaux morceaux et à l’enregistrement d’un nouvel album, Tèrè tè sèguè. Quatre grands musiciens aux horizons variés – du jazz à l’afrobeat, en passant par le rock et la soul – nous accompagnent dans ce projet.

Ensemble, nous produisons un genre très spécial d’afrobeat aux couleurs soul, hautement influencé par les musiques ghanéenne et ivoirienne des années 70’ (Joe Mensah, Osi Bisa, Ernesto Djédjé). Entourée de ces talents issus des quatre coins de l’Europe (Giotis est Grec, Augusto est Italien, Axel est Wallon, Jacob et Falk sont Flamands), j’ai une nouvelle fois reçu de la part de mon « Tonton » musical un très beau cadeau : Tony Allen joue sur quatre des huit morceaux !

Ces morceaux, parlons-en (c’est tout de même, comme dirait mon pote Olivier Cablat, « le cœur du poulet »). Après les avoir peaufinés lors d’une tournée grecque et sur des scènes bruxelloises, nous sommes donc entrés en studio (au Pianofabriek, Bruxelles) et les avons enregistrés. Deux (Artemis et Né koro) sont aujourd’hui mixés. Si ce nouvel opus est clairement afrobeat, ses couleurs sont, grâce aux différentes pattes du groupe, multiples :

  • Twi : en pays Taguana (groupe ethnique du nord de la Côte d’Ivoire), c’est le nom donné au bois qui sert à la pratique mystique. L’intro puissante de ce morceau exprime le bouillonnement multiculturel qui m’anime et l’image confuse que le métissage peut donner parfois à ceux qui ne le connaissent pas.
  • Né koro : mon grand frère en dioula. Ce morceau est inspiré par le départ de mon grand frère. Qu’il repose en paix.
  • Artemis : déesse de la chasse. C’est l’histoire d’amour entre un dealer et une prostituée, des endroits de la ville où ils se croisent, de leur clientèle, de leur fragile optimisme.
  • Sama déni : l’éléphanteau, qui aura la sagesse et la force de l’éléphante, est déjà né. Nous devrions nous en réjouir. Un jour, il pourra guider le troupeau.
  • Africa is home : reprise du morceau de E.T Mensah avec Peter Beda, un artiste de culture hétéroclite ;
  • Tèrè tè sèguè : le soleil ne se fatigue pas. Soyons patients. Gardons espoir et rappelons aux impatients que le soleil reste constant ;
  • Croco walk : quelle que soit la durée de séjour d’un bout de bois dans l’eau, il ne deviendra jamais un caïman. Allégorie du voyageur.
  • Kereketeba : inspiré d’un proverbe malinké qui dit que, malgré leur apparente lenteur, la tortue, l’escargot et le caméléon parviennent, lorsqu’ils se trouvent dans l’embarras, toujours à trouver une solution.

A travers Tèrè tè sèguè, je voulais aborder des sujets qui me tiennent à cœur… Je voulais toujours mettre en avant mes racines en chantant la moitié des morceaux en dioula et en faisant transpirer l’afrobeat qui bât en moi. Et je voulais aussi faire évoluer ce style, qui connaît un succès croissant, en y incorporant toutes les influences qui me font vibrer.