La Journée des rencontres intitulée “Habiter La frontière”, qui a pour but d’évoquer la création contemporaine du continent africain et des diasporas en vue de faire apparaître les liens qui lient le continent africain à l’Europe et au reste du monde et ceci depuis plusieurs siècles, s’est tenue ce vendredi 31 mars 2017 de 10h00 à 18h30 à La Colonie. Cette rencontre Hors Les Murs se tient dans le cadre de la foire Art Paris Art Fair 2017. Retour sur cette rencontre.
“Habiter la frontière” – La journée des rencontres du focus l’Afrique à l’honneur de Art Paris Art Fair

« La littérature parle avant tout d’humanité. C’est donc le monde que j’écris, à partir de mes lieux de référence, à partir de mes personnages subsahariens ou afrodescendants.» extrait du recueil “Habiter la frontière” de Leonora Miano dont nous avons découvert les talents très récemment sur Originvl. En effet, elle participa à Arctivism 28 qui s’est tenue le samedi 21 janvier 2017 à Lomé au Togo et qui mettait à l’honneur Angela Davis.
À lire : Arctivism 28 met Angela Davis à l’honneur
Marie- Anne Yemsi, commissaire invitée pour l’Afrique à l’honneur a jugé important d’investir symboliquement l’espace de la frontière au coeur de la problématique artistique et contemporaine car la frontière matérialise le lieu des rencontres, des échanges, de la transition des cultures, des langues et des peuples du monde.
C’est ainsi que cette rencontre articulée autour de quatre (4) tables rondes a été le lieu d’échanges entre artistes, chercheurs, collectionneurs, professionnels, spécialistes, experts, penseurs culturels, producteurs culturels en d’intervenants basés aussi bien en Europe qu’en Afrique.
Les quatre (4) thématiques abordées ont été les suivantes :
- L’art contemporain Africain, pour quoi faire?
- Collectionner les artistes contemporains du continent Africain est-il un sport de combat?
- L’expérience du “commun”: utopie ou avenir de la production culturelle?
- Habiter la frontière: quelles perspectives géo-esthétiques?
J’ai assisté aux deux (2) premières tables rondes et voici ce qu’il faut retenir.
A lire : Art Paris Art Fair : un événement qui met en lumière, cette année, l’art contemporain africain
La première table ronde : L’art contemporain Africain, pour quoi faire ?
Propos liminaire
- Joel Andiranomearisoa, Artiste plasticien
- Dalila Dalléas Bouzar, Artiste plasticienne qui a reçu le Prix L’Art est vivant 2017 de Art Paris Art Fair 2017
- Emo de Medeiros, Artiste plasticien
- Myriam Mihindou, Artiste plasticienne
- Emeka Okereke, Artiste plasticien, écrivain, fondateur et directeur artistique de Invisible Borders – The trans-African Project

Résumé des échanges
En conclusion
- la question de l’identité des artistes africains dans la création plastique contemporaine
- la question du positionnement géographique
- la question de l’exploitation de l’Afrique comme source matérielle et immatérielle d’inspiration
- la question de la présentation de la création plastique contemporaine selon le prisme européen et/ou africain selon l’origine de l’artiste
Deuxième table ronde : Collectionner les artistes contemporains du continent Africain est-il un sport de combat?
Propos liminaire
L’intérêt des collectionneurs et des institutions pour les créateurs issus du continent africain est croissant mais pose également de nombreuses questions, ici et sur le continent africain : de quoi témoigne cet engouement récent? Quels sont les principaux obstacles au développement de leur présence dans les collections des institutions occidentales? Comment rendre visible les artistes contemporains sur le continent en l’absence de musées d’art moderne et /ou contemporain dans nombre de pays d’Afrique? Etc. Ce débat offre des éclairages et les points de vue de collectionneurs et d’institutions engagées.
Modérateur : Nicolas Michel, Journaliste Culture Jeune Afrique et romancier
Intervenants :
- Marie-Cécile Zinsou, Directrice générale de la Fondation Zinsou à Cotonou et du Musée d’art africain contemporain à Ouidah, Bénin
- Mercedes Villardell, Collectionneuse et fondatrice du African Acquisitions Committee (AAC) pour la Tate, Londres
- Alicia Knock, Conservatrice, Centre Pompidou, Paris
- Christine Barthe, Responsable de l’Unité Patrimoniale des collections- Photographies, Musée du Quai Branly -Jacques Chirac

Résumé des échanges
Les échanges ont portés sur la notion de collection des oeuvres d’art par des particuliers ou des institutions. Comme l’a indiqué Christine Barthe, le processus d’acquisition d’une oeuvre peu être long selon son ancienneté et son caractère historique. Elle a donc orienté la question vers la nécessité de collectionner en tant qu’individu ou en tant qu’institution en vue de présenter les oeuvres dans les musées au plus grand nombre. Alicia Knock a également été dans ce sens en tirant toute fois la sonnette d’alarme sur le fait que certaines oeuvres peuvent être acquises par des institutions sans pour autant être mise à disposition du public et ceci pendant des années. Marie-Cécile Zinsou a plutôt souligné la question de la présentation des oeuvres au public notamment avec un focus sur les enfants. En effet, elle rappela que la nouvelle génération en Afrique est une génération détachée de certains phénomènes historiques et politiques qui ont touchés le continent africain. Il est donc nécessaire aujourd’hui de réfléchir à la création d’un espace de dialogue à travers les oeuvres d’art.
Mercedes Villardell pour appuyer ces questions de création d’un espace de dialogue a mis l’accent sur l’initiative privée en indiquant que cette dernière devait être important pour permettre ce dialogue. Alicia Knock pour aller encore plus loin a souligné la nécessité de valoriser l’histoire de l’art africain en Europe tout comme l’histoire de l’art européen en Afrique en vue de faire apparaître les liens intrinsèques entre les différentes histoires communes.
Marie-Cécile Zinsou a toutefois nuancé le propos en rappelant qu’il était nécessaire d’avoir un réel engagement du secteur public dans la problématique culturelle. Aujourd’hui en Afrique, ce sont essentiellement des femmes qui se battent pour valoriser l’espace culturel à travers des initiatives privées. On peut citer Cécile Fahkoury avec la Galerie Cécile Fahkoury (Côte d’Ivoire), Illa Ginette Donwahi avec la Fondation Donwahi (Côte d’Ivoire) ou encore Maréme Malong avec la Galerie MAM (Cameroun). L’intervention de Marie-Cécile Zinsou vise à interpeler sur le fait que l’initiative privée ne pourra à elle seule faire tout le travail car nous ne sommes pas encore dans “l’écriture de l’histoire des pays africains à l’échelle du gouvernement”. Ce qui est donc important à ce stade, “ce n’est pas la qualité de l’intention (bonne ou mauvaise) mais surtout la finalité de l’action car l’idée est que le public soit sensibilisé“.
A l’issue de cette présentation, il y a eu des échanges avec le public qui ont essentiellement porté sur la notion de “collectionneur” et de “collectionneuse” et sur la place des enfants dans ce processus. Il a été indiqué que les collectionneurs sont effectivement des deux sexes et qu’il y a aujourd’hui un travail qui est fait en Afrique pour créer cette demande et sensibiliser une nouvelle génération de collectionneurs. Concernant la question des enfants, Marie-Cécile Zinsou a très bien résumé les choses en rappelant que : “On crée des musées pour l’avenir car l’art contemporain donne des armes” aux futures générations et crée des ponts entre les générations et les peuples.