J’ai décidé d’écrire cet article après une discussion très intéressante que j’ai eu avec un petit cercle de blogeurs ivoiriens contributeurs de la plateforme Kotokoli lancée cette année par la blogeuse ivoirienne Orphélie Thalmas détentrice du blog Rythmes d’Afrique, Racines. Nous échangions sur les notions d’Artistes, d’Artisans, de Créatifs… et sur la notion de beau dans l’art. J’ai donc décidé d’écrire cet article pour expliquer mon point de vue et ma vision de ces termes pour que vous compreniez mieux mes choix sur la plateforme ORIGINVL.
Pour commencer, je dirais que toute personne à une fibre artistique et créative en elle cependant certaines personnes auront une propension à plus la développer que d’autres car un environnement plus propice au déploiement de ce talent. C’est pourquoi je m’accorde à dire que tout individu est créatif. La nuance vient ensuite dans la pratique de l’art pour quitter le statut de novice/amateur pour venir dans le statut d’expert.
En effet, je déplore souvent le manque de reconnaissance que les gens peuvent avoir sur la notion d’artistes et d’artisans. Et je suis même parfois choquée de voir des artisans rejeter leur titre d’artisan. Pour moi, il faut bien faire la part des choses.
Un artiste, selon moi, est une personne qui s’exerce dans l’un des sept (7) arts et qui va puiser au plus profond de ses ressources, de ses entrailles le fruit d’une expression personnelle qui s’accorde ou pas à son environnement, sa personne et ses contemporains. Etre artiste est donc un métier en soi qui demande un réel investissement, une réel maîtrise du sujet traité. C’est pourquoi je respecte énormément les artistes surtout lorsqu’ils sont complets dans leur art et qu’ils apparaissent parfois bien ancrés dans leur bulle.
Un artisan, selon moi, est une personne qui s’exerce dans la transformation d’une matière première souvent banale pour la rendre noble. Cela peut donc concerner la couture, la gastronomie, les métaux, le bois, la coiffure, etc. Tous ces métiers, parfois dénigrés par la plupart des gens sont des métiers d’artisanats pures. Certains artisans par leur génie sortent du lot et deviennent des Couturiers de Haute Couture comme se faisait appeler, par exemple Coco Chanel, ou encore des Chefs Cuisiniers étoilés. Ce ne sont pas des artistes, ce sont des artisans hors pair. Et il faut le reconnaitre et surtout accepter que la notion d’artisan n’est pas un terme péjoratif, bien au contraire. Je pense personnellement que le métier de Directeur Artistique a encouragé cette confusion car les Directeurs Artistiques ont a coeur de rendre beau artistiquement parlant une oeuvre artisanale. C’est ainsi que la représentation de l’oeuvre artisanale apparaissant dans les books, magazine sous forme de photos d’art prête souvent à la confusion.
Et j’imagine que dans l’avenir cette frontière sera de plus en plus floue et que cela amènera peut être à l’introduction de la Mode et de tous les métiers associés au rang de 8ème Art. Mais ça seul l’avenir nous le dira !
Enfin, un créatif, selon moi, est une personne qui a un ou plusieurs talents ou prédispositions artistiques ou artisanales et qui butine partout. Il s’adonne ça et là à différentes activités sans jamais se perfectionner totalement dans une discipline. C’est pourquoi avant de devenir un artiste ou un artisan on est d’abord un créatif. C’est le perfectionnement dans une discipline qui fait d’un individu un artiste ou un artisan car la notion d’expertise s’intègre alors complètement dans le développement du créatif vers le statut suprême d’artiste ou d’artisan.
Vous me direz cependant que ces notions restent subjectives car une personne peut être un artiste pour une personne et pas pour une autre. Je le conçois. Mais je pense que ce jugement se fait sur le produit final. En effet, je fait une distinction entre une oeuvre d’Art, un produit Artisanal et un objet d’Art déco.
Je m’explique: une oeuvre d’art est une oeuvre qui a perdu sa fonction d’utilité.
L’oeuvre d’art, comme tout produit de l’action humaine délibérée, a le caractère d’un produit qui a une finalité sans pour autant que l’on puisse déterminer cette fin. Ainsi l’oeuvre d’art ou du moins ce qu’il y a d’artistique en elle ou dans sa conception n’est pas créé dans un but utilitaire.
Je prends un exemple, les chants religieux qui sont censés transmettre un message. L’originalité de ce chant, son caractère esthétique en lui qui nous touche reste complètement étranger au message religieux qu’il évoque à tel point que l’Eglise, en son temps, a pu condamner la polyphonie vocale (c’est-à-dire la combinaison de plusieurs mélodies, ou parties musicales chantées ou jouées en même temps) dans ces mêmes chants religieux sous prétexte que les auteurs ou chanteurs risquaient ainsi de davantage sensibiliser les croyants à la beauté du chant plutôt qu’au sens du message. C’est pourquoi, nous pouvons apprécier un chant, une mélodie, une musique sans en comprendre sa signification ou sans partager son sens ou son intention. Ainsi l’oeuvre est reléguée au statut d’oeuvres artisanales ou d’objets d’art décoratif ou contemplatif.
Mais, dans la création artistique et le jugement esthétique tout se passe comme si l’oeuvre visait un but. C’est la prise de conscience de cette différence qui sépare l’œuvre l’artiste de celle de l’artisans qui permet de qualifier d’oeuvre d’art certaines production humaine parce qu’elles ont un sens qui dépasse la simple utilité sans que l’on puisse réellement déterminer leur but non utilitaire.
Maintenant, libre à nous d’apprendre à juger de la présence de ce sens non utilitaire dans une oeuvre humaine. Ce sentiment qu’une oeuvre nous procure par sa mise en forme, que nous appelons communément beauté est encore une autre notion qui divise car : qu’est-ce que le beau? Et est ce que toute oeuvre d’art vise la beauté ?
Sur cette notion de beauté, je dirais qu’elle est subjective. En effet, les critères de beauté diffèrent selon les pays, les cultures, les lieux, l’éducation, la connaissance artistique… vous comprenez que cela dépend de nombreuses choses. Pour moi, la beauté d’une oeuvre d’art et d’un produit artisanal résident réellement dans leur caractère technique. C’est pourquoi, je dis qu’il faut respecter l’artiste et l’artisan. En effet, ce sont le style, la doigté, la pâte, l’usage de la matière, la texture, le grain, l’histoire de la matière, de l’oeuvre, la finition … tous ces caractères techniques et historiques qui vont donner à l’oeuvre son caractère unique et sa propension soit artistique, soit artisanale ou la reléguée au rang d’objet d’art décoratif.
C’est donc en ce sens qu’une oeuvre qui peut être réellement perçue comme laide dans une société sera cependant érigée au rang d’oeuvre d’art du fait de ses caractéristiques techniques. C’est pourquoi, on peut ne pas du tout aimer une oeuvre d’art, la trouver réellement laide mais l’apprécier pour le travail artistique dont elle a fait l’objet de la part de l’artiste.
Voici donc mon positionnement sur les notions de Artiste, Artisan, Créatif, Oeuvre d’Art et de Beauté dans l’Art.
J’ai pu acquérir cette vision grâce à de nombreuses rencontres avec des gérants de Galeries à Paris, à Shanghai et à Abidjan, des artistes confirmés et débutants, des experts de Sotheby et Christie’s et des collectionneurs qui ont bien voulu me partager leurs conseils et expertises. Mais aussi grâce à mes lectures nombreuses lectures. Je vous conseillerais cependant trois livres, qui vous éclairerons sur ces notions d’Artistes, d’Artisan, de Créatif et de Beau que sont : La Passion de Créer de Paul Ricard, le Cerveau et l’Art de Jean Pierre Changeux et Manager la Créativité de Thomas Paris.
Et vous ? Que pensez- vous de ces notions ?