L’an dernier se tenait du 9 au 12 avril 2015, la 1ère édition du Festival International de Reggae d’Abidjan, AbiReggae dont l’objectif est de promouvoir la musique reggae et les réflexions associées à travers des concerts et des conférences.
Pour la 2ème édition du Festival AbiReggae qui se tient du 7 au 10 avril 2016, une innovation majeure a vue le jour. Il s’agit d’AbiReggae Art, une exposition d’art contemporain, la première du genre en Côte d’Ivoire, qui a pour but de donner un autre reggae et la philosophie rastafari à travers des œuvres picturales.

AbiReggae Art, c’est quoi ?
AbiReggae Art est une exposition d’arts visuels qui est intégrée au Festival International de Reggae d’Abidjan (AbiReggae). Cette exposition consacrée au Reggae et à la culture Rastafari se veut être un espace d’expressions pour des artistes contemporains. L’idée étant de faire du Reggae et de la culture rastafari, un prétexte pertinent de création plastique et artistique qui conduira, à terme, à faire de AbiReggae Art un rendez-vous mondial et annuel des arts visuels puisque ce sont la peinture, la sculpture et la photographie qui seront mis à l’honneur.

La première édition de AbiReagge Art
Ce jeudi 7 avril 2016, à l’issue de la Cérémonie d’ouverture de la 2ème édition du Festival International de Reggae, l’exposition Abi Reggae Art a été présentée aux officiels comme étant une première du genre en Côte d’Ivoire.
Au rang des officiels pour cette première visite de l’Exposition avant le vernissage, l’on pouvait compter, Monsieur Maurice BANDAMA, Ministre de la Culture et de la Francophonie, Monsieur Moussa DOSSO, Ministre de l’Emploi et de la solidarité et Président d’honneur du Festival AbiReggae, Monsieur le Professeur Azoumana OUATTARA, Directeur du Colloque et Monsieur ALLAN HOPE dit MUTABARUKA, poète d’origine jamaïcaine et invité d’honneur du Festival International de Reggae d’Abidjan.
La présentation de l’Exposition aux officiels a été l’occasion d’une part, de rappeler la vocation de AbiReggae Art qui permettra de découvrir une autre facette de la culture reggae et surtout qui ouvrira le débat entre les observateurs et spécialistes de la chose « reggae-rasta » et les professionnels des Arts ; et d’autre part, de déclamer un poème en hommage à Bob Marley lu par l’artiste Sess ESSOH.
Le vernissage de AbiReggae Art
Ce jeudi 7 avril à 18h, s’est tenu le vernissage l’exposition AbiReggae Art à la Salle Christian Lattier du Palais de la Culture de Treichville.
Guidée par les artistes plasticiens Philippe Ekra, Dogbo Gbessin Basile et Hien Sansan, j’ai pu avoir une explication plus profonde de la réflexion artistique présentée pour cette 1ère édition de AbiReggae Art.
En effet, le fil conducteur de l’exposition est l’œuvre de Mutabaruka, poète d’origine jamaïcaine spécialisé dans le slam, dénommée Dis Poem. Ce poème est très intéressant car en réalité, il dit tout et rien. Je m’explique : il est composé de thèse et d’antithèse. Et il m’inspire le fait que nous sommes dans une continuelle réflexion sur notre monde et que l’histoire continu de s’écrire malgré elle, malgré nous. Vous pouvez l’écouter ci-dessous.
Le collectif d’artistes a donc traduit ce poème à travers une histoire qui commence par des œuvres picturales de Yeanzi qui pour son premier travail a représenté les personnalités clés du reggae et de la culture rastafari. On peut voir apparaître sur un ensemble de noms célèbres, les visages de Léonard Percival Howell, l’un des quatre premiers prêcheurs du mouvement rastafari en Jamaïque ; de Haïlé Sélassié, reconnu par la plupart des rastas comme le « dirigeant légitime de la Terre » et le Messie, en raison de son ascendance qui selon la tradition éthiopienne de la dynastie dire « Salomonide », remonterait aux rois Saloman et David par la Reine de Saba ; de Marcus Garvey, un leader noir du XXe siècle considéré comme un prophète par les adpetes du mouvement rastafari, d’où son surnom «The Black Moses» soit le «Moïse noir» et enfin Matubaruka, poète d’origine jamaïcaine.

La deuxième toile de Yeanzi est une représentation supplémentaire de figures du Reggae. Vous reconnaitrez des visages emblématiques comme Bob Marley qui apparaît en blanc comme pour le démarquer et Jimmy Hendrix qui bénéficie également de la démarcation blanche. Je n’ai pu rencontrer l’artiste pour avoir son explication pour vous transmettre la portée complète de son message. Mais affaire à suivre !

La troisième est celle d’Isidore qui traduit l’histoire du reggae comme étant une lutte pour la liberté. Ici, ce qui est très intéressant, c’est la composition technique de la toile. En effet, d’un premier abord nous aurons l’impression qu’il s’agit juste de peinture. Mais en allant plus prêt, vous remarquerez qu’il s’agit de collage utilisant du sable, du caolin et du café. Des produits émanant de la terre comme pour rappeler la terre promise.
Ekra Philippe m’a présenté son œuvre picturale dénommée Negusa Negast qui est un hommage à Haïlé Sélassié, personnage emblématique qui est à la base des nombreuses controverses et des discussions qui « a fait couler beaucoup d’encres ». C’est pourquoi, le peintre a exploité d’une part, la technique de jet de peinture, et d’autre part, a utilisé des superpositions des paroles de Redemption Song de Bob Marley pour composer son œuvre. L’idée étant de rappeler que Haïlé Sélassié a réellement fait couleur de l’encre en faisant une image aux jets d’encre et à l’écriture de poème, de chanson qu’il a notamment pu inspirer. Enfin, pour finir, il est écris en hébreux une citation signifiant : «Au Royaume des prédateurs, le lien n’a pas peur du chacal».
Gbessin a ensuite poursuivi la visite avec moi en me présentant ses trois œuvres toutes liées à la terre promise appelée « Shashaman ».
Shashaman 1, la première toile nous présente la terre promise, cette terre réservée pour les africains en vue de leur permettre de connaître leurs racines pour ceux qui ne connaissent pas leur histoire ni les vertus de l’Afrique. Il y a donc un rappel de couleur chaude pour rappeler la terre, la force des langues et la couleur de la peau. Des citations et des dates apparaissent ça et là pour rappeler que la culture rastafari est avant tout un état d’esprit en constante évolution.
Shashaman 2 met en valeur les vibrations et les richesses des africains. L’on voit de nombreuses silhouettes d’hommes qui doivent apprendre à se comprendre, se soutenir en laissant le mauvais et faux esprit de côté. Le message fort ici présenté est l’importance de l’unité des peuples africains pour faciliter leur évolution.

Enfin, Shashaman 3 est un retour sur les origines de l’Afrique comme berceau de l’humanité. La toile a été brulée pour rappeler la texture de l’Afrique comme terre vivante et l’on voit apparaître un drapeau, celui de la terre promise pour indiquer qu’il y a un pays, l’Ethiopie, qui peut les accueillir.
J’ai pu ensuite admirer l’œuvre de Sess dénommée Black O’Wall qui est surement une représentation du ghetto de Black O’Wall bas quartier de la Jamaïque qui a été détruit en 1966. Plusieurs communautés rastas y résidaient notamment celle de Ras Sam Brown et de Prince Emmanuel. On voit également apparaître des buildings et des lampadaires comme pour nous faire savoir que l’âme de ce ghetto persistera.

Mes œuvres préférées sont celles de Sansan, un jeune artiste plasticien qui en 4ème année d’étude à l’INSAC. Je l’ai découvert lors du Concours Les Guyzagn. J’aime beaucoup les deux œuvres qu’il a présenté car il les a réalisé sur des bâches noires en plastiques d’où il a fait apparaître des silhouettes, des objets, des personnages… avec du collages de morceaux de papiers traduisant l’impact de l’histoire du Reggae sur la société contemporaine en impulsant le message de vision commune qu’insuffle la culture rastafari. L’usage du plastique noir a été fait pour rappeler le côté « africaniste » de la culture rastafari.
La première toile est une scène de concert. On y aperçoit la silhouette de Bob Marley en plein concert devant une foule en extase réunie autour du drapeau de la Terre Promise. C’est ici le message clé d’unité qui est présenté.
La seconde toile est encore plus forte. C’est un ensemble de personnes réunies mais surtout unies pour impulser le «Black Power» et le «Peace & Love», ces messages d’unité et de paix.
Nous arrivons ensuite sur la toile dénommée Dis Poem qui est un peu l’explication ultime de l’exposition. En effet, elle traduit la force du poème. On nous explique indirectement que l’histoire nous regarde, nous observe, nous instruit… mais qu’en même temps elle continue de s’écrire sans mais surtout avec nous.
La dernière œuvre est ce que je pourrais appeler une sculpture grandeur nature car elle est constitué d’objets recyclés mis en scène pour peut être traduire la complexité et la simplicité du message rastafari. Je n’ai pas pu échanger avec Sess, l’auteur de l’œuvre mais je ne me décourage pas.

Le plus de cette exposition
Pour moi cette exposition est très intéressante car d’une part, elle montre une autre dimension de la culture rastafari qui est le bien être et la protection de ce que la Mère Nature nous offre. En effet, toutes les toiles ont été réalisées sur des supports recyclables. Du papier craft, des bâches en plastiques, du papier, des sacs de cacao, des tuyaux, de la corde etc. Et d’autre part, elle nous permet de nous interroger sur le Reggae et la Culture Rastafari comme mouvement artistique, culturel et sociétal. On nous amène a aller plus loin et à ouvrir notre champ de réflexion.
Je vous invite donc à vous rendre à cette exposition qui sera accessible du 7 au 10 Avril 2016 à la salle Christian Lattier du Palais de la Culture de Treichville, puis à l’Institut Français, jusqu’à la fin du mois d’avril.
Vous n’avez donc aucune excuse pour ne pas vous y rendre ! Bonne Découverte !